Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La passion de l'écriture.

Les souvenirs de Sophia : la redécouverte du lac

Mon premier cinéma.

Juin, 1956

     William vint me chercher avec la voiture de son père pour me conduire jusqu’à chez lui. D’après lui c’était le temps idéal pour faire de la bicyclette. Ses parents habitaient une charmante maison de campagne avec un étage mansardé. De l’extérieur, la maison était vraiment belle. Il y avait des fleurs partout : dans le jardin, sur le rebord des fenêtres et le long de la façade.

- Je vais te faire visiter la campagne, dit joyeusement William. Certains champs sont en fleurs et ils sont magnifiques.

     J’étais en robe et ce fut compliqué pour moi de monter sur ma bicyclette.

- Veux-tu un pantalon ?

- Un pantalon ? dis-je l’air surpris.

- Oui, ma mère en met un lorsqu’elle fait de la bicyclette. Je peux lui en emprunter un pour toi si tu veux.

     Je n’eus pas le temps de répondre que William se faufilait déjà à l’intérieur de la maison pour me ramener un pantalon de femme et une chemisette.

- La salle de bain est par ici, suis-moi.

     J’enfilai le pantalon et la chemisette. C’était la première fois que je mettais un pantalon. J’avais l’impression d’avoir un collant qui ne collait pas à ma peau. Je pu monter plus facilement sur la bicyclette. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait de vélo mais je n’avais pas oublié. Très vite le sentiment de liberté me gagnait et je m’amusai à dépasser William dans l’allée.

- Ne va pas trop vite, petite abeille, tu ne sais pas où nous allons.

- Nous allons dans la campagne mais comme nous y sommes déjà, ce n’est pas gênant que j’aille à droite ou à gauche.

- Ce n’est pas faux mais je préfère aller sur la gauche, dit-il en me dépassant juste avant de franchir le portail.

     Je le suivis en direction de la gauche. Nous avons roulé, nous avons discuté, nous avons ri et nous avons regardé la nature autour de nous. Nous arrivâmes à un lac. Le lac où j’étais allée avec Édouard pour notre premier pique-nique, le lac où Édouard m’appris à conduire. J’eus un pincement au cœur en pensant à Édouard. Il aurait pu être là avec moi. Ses parents et son frère étaient ici à SPITAL TONGUES et lui, il était à SWILLINGTON. Moi, j’étais ici, devant ce lac au côté de William et je pensais à lui. Je regardai William et je me sentis fautive de penser à un autre homme.

- J’adore cet endroit, dit-il. La nature y est tellement belle.

     Édouard aimait le lac pour celui-ci et pour cet immense arbre sous lequel on pouvait se reposer. William aimait ce lac pour la nature qui s’y trouvait alentour. Pour lui, cet immense arbre était magnifique non pas parce qu’il pouvait nous faire de l’ombre mais parce qu’il était centenaire. Il fut là avant nous et il sera là après nous. J’avais bien compris que William était un amoureux de la nature mais là je le comprenais davantage. Il me fit redécouvrir cet espace sous un nouvel angle. Je ne voyais que le lac et à partir de cet instant, je voyais la nature et William uniquement. J’occultais Édouard. Ils étaient tellement différents. Ils le sont toujours. Édouard était sûr de lui, il savait ce qu’il faisait et il savait comment l’obtenir. William était timide, maladroit, doux et sensible. Il se sentait plus à l’aise avec les fleurs qu’avec les femmes.

     Nous décidâmes de faire une course autour du lac. Il était plus grand que ce dont il avait l’air. Très vite, j’abandonnai la partie. William avait plus d’endurance que moi.

- Tu abandonnes ?

- Je suis à bout de souffle. Je ne fais jamais de bicyclette. Je ne suis pas assez endurante.

- Pourtant, tu devrais l’être avec toute cette marche que tu fais à longueur de journée pour nettoyer la maison des BRINGSTONE.

- Martha m’a appris à optimiser mes allers-retours. Ne jamais monter ou descendre les mains vides. Ne jamais traverser une pièce sans vérifier que tout est parfait. Toujours avoir un chiffon sur soi. Toujours commencer par le haut et toujours avoir son nécessaire de nettoyage opérationnel dans la caisse. Si tu suis bien tous ces conseils, tu évites des pas inutiles.

- Je vois. Le principal c’est que je gagne.

- Attends encore un peu et je vais finir par te rattraper.

- J’attends de voir cela.

     Je passais une agréable après-midi. Après le tour du lac, nous trempâmes nos pieds dans l’eau. Puis nous nous baladâmes dans la campagne avant de revenir chez les parents de William. Je troquais le pantalon et la chemisette contre ma robe puis William me ramena chez les BRINGSTONE.

 

*

 

Août, 1956

     À CASTLE LEAZES, tous les mercredis soir en été, il y avait le cinéma en plein air. Cela faisait deux mois qu’avec William nous nous fréquentions. Nous avions passé quasiment tous nos dimanches après-midi ensemble. J’étais enfin en vacances et je pouvais sortir les soirs de semaines. Depuis toute petite, je rêvais de voir un film depuis une voiture. William avait tout prévu : les sandwichs, les boissons, la couverture et le pop-corn. J’adore le pop-corn salé et il s’en était souvenu. Ce moment était magnifique. Je me souviens que le ciel brillait de milles étoiles. Après le film, il me raccompagna chez les BRINGSTONE. Il roulait lentement, je pense qu’il voulait faire durer cette soirée plus longtemps, ce qui ne me dérangea pas. Arrivés chez les BRINGSTONE, il proposa de me raccompagner jusqu’à la porte de la dépendance. Sous le porche nous restâmes plusieurs secondes à se regarder l’un l’autre sans rien dire. Puis, d’un coup sans crier garde, je sentis ses mains sur mon visage et ses lèvres toucher les miennes. Je sentis mon cœur exploser. Mon corps tout entier devint rouge et chaud. Rien à voir avec mon premier baisé avec Édouard. D’ailleurs à ce moment-là, je ne pensais plus du tout à lui. Ma tête et mon cœur l’avait oublié depuis des semaines. Ce fut notre premier baisé, avec William.

 

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article